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KOLLERview est publié quatre fois par an.

Prochain numéro :mars 2021.

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Dans ce numéro :

• Sous le signe de l'amitié
• l'Obsession du paysage
• Des parapluies sur deux continents
• Variation, Série, Suite
• Engouement pour la peinture chinoise

 



 

L'art du vol

La « Fountain » de Marcel Duchamp telle qu'elle a été illustrée dans la revue Dada The Blind Man en 1917.

« Immature poets imitate; mature poets steal »
(Les jeunes poètes imitent ; les poètes avertis volent) – T.S. Eliot

On dit souvent que l'art de l’appropriation, utilisant des images ou des objets préexistants en les transformant de manière subtile, a commencé avec les « readymade » de Marcel Duchamp au début du 20e siècle. Les ready-mades sont des objets trouvés, comme le fameux urinoir en porcelaine signé « R. Mutt », placé sur un piédestal et intitulé « Fountain », que Duchamp a présenté à l'exposition de la Society of Independent Artists à New York en 1917. « Fountain » a fini par être reconnu comme une œuvre majeure de l'art moderne, et déjà l’année de son exposition, un article du journal Dada, The Blind Man, le déclarait comme tel : « Que M. Mutt ait réalisé la fontaine de ses propres mains ou non n'a aucune importance. C'est lui qui l'a CHOISIE. Il a pris un objet de la vie ordinaire, l'a placé de telle sorte que son sens utilitaire disparaisse sous son nouveau titre et son nouveau point de vue – il a créé une nouvelle pensée sur cet objet ».

Il est évident que les artistes se sont toujours appropriés, ont copiés ou volés les idées et les motifs des autres. Mais le faire dans une société où la simple accusation de plagiat suffit à détruire une carrière – ou une campagne présidentielle, comme la première de Joe Biden en 1987 – et le faire consciemment, dans le but de replacer l’image dans un nouveau contexte ou de la transformer subtilement en quelque chose de nouveau, est un concept relativement moderne.

 

Richard Pettibone
(Los Angeles 1938–vit et travaille à New York)
Andy Warhol 'Campbell's Soup Can: Cream of Mushroom Soup'. 1987. Acrylique et sérigraphie sur toile.
Vente le 5 décembre 2020
Estimation : CHF 18 000/24 000


Avec sa série de boîtes de soupe Campbell, Richard Pettibone porte l'art de l'appropriation à un niveau supérieur : il copie une image qu’Andy Warhol s'était lui-même appropriée d'une autre source. Pettibone rencontre Warhol pour la première fois en 1965 et l'artiste pop est alors amusé par les versions à petite échelle de ses célèbres boîtes de soupe. Comme Pettibone le dira plus tard, « il copiait déjà, alors pourquoi ne pas copier la copie ? » Grâce à de subtiles détails, en particulier en prenant le soin de laisser les traces de la main de l'artiste que Warhol avait cherché à effacer dans ses compositions d'inspiration graphique, Pettibone crée une œuvre nouvelle tout recopiant la série de Warhol, un peu comme s’il tenait un miroir déformant devant un autre miroir.

Dans la vente du 5 décembre, une sérigraphie de Warhol sur le même thème sera également présentée.

 

Sylvie Fleury
(Genève 1961–vit et travaille à Genève)
Concetto spaziale. 1995. Jeans, déchirés.
Vente le 5 décembre 2020
Vendu pour CHF 5 500


Sylvie Fleury utilise de manière récurrente des éléments de la mode et de la haute couture pour intégrer une certaine féminité dans le monde de l'art, trop souvent dominé par les hommes. Dans « Concetto Spaziale », Fleury remplace la célèbre toile tailladée de Lucio Fontana par du denim bleu, en faisant ainsi référence à la mode pour les jeans déchirés tout en reformulant l’œuvre iconique de l’artiste italien à la lumière de la culture de consommation.

 

Banksy
(Bristol 1974 – vit et travaille en Angleterre et ailleurs)
Love Welcomes Mat.
Multiple. Paillasson et restes d'un gilet de sauvetage.
Vente le 5 décembre 2020
Venduuu pour CHF 6 250


Banksy est probablement le plus célèbre artiste vivant de l'appropriation. Son « Love Welcomes Mat » perpétue la tradition des ready-mades de Duchamp. Pour cette œuvre, il utilise des restes de gilet de sauvetage combiné à un paillasson cousu main par des femmes dans les camps de réfugiés dans le but d’attirer l'attention sur la situation critique des migrants. Banksy détourne souvent des images et peintures célèbres – comme « La Jeune Fille à la perle » de Vermeer transformée en « Jeune Fille au tympan percé » - afin de transmettre un message de paix ou contestataire. On trouve également Banksy dans cette vente aux enchères avec « Rude Copper », sa première sérigraphie commercialisée.



KOLLERview est publié quatre fois par an, en anglais et en allemand.

Prochain numéro : novembre 2020.


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Dans ce numéro :

• The art of transformation
• When art meets politics
• Green retreat
• Great resonance
• Battle-proven arsenal

 



 

La scène est imaginaire, mais les papillons sont réels

Carl Wilhelm de Hamilton (1668–1754)
Pendants : Nature morte de forêt avec écureuil et insectes / Nature morte de forêt avec chouette effraie. Huile sur toile. 72 x 56 cm. chacun.


À première vue, les trois tableaux de Carl Wilhelm de Hamilton (Bruxelles 1668–1754 Augsbourg) dans la vente aux enchères du 25 septembre (lots 3071 et 3074) semblent être de charmantes représentations de la vie trépidante d'un sol forestier : écureuils, serpents, escargots et lézards vont à la recherche de leur nourriture au milieu d'une profusion de plantes feuillues et de champignons. Mais un aspect de ces œuvres les rend étonnamment uniques : les papillons étaient à l'origine de véritables spécimens, collés sur la toile.

Dans ces peintures, de Hamilton a employé un genre connu sous le nom de «nature morte de la forêt», ou sottobosco, inventé au milieu du XVIIe siècle par le peintre néerlandais Otto Marseus van Schrieck (vers 1613–1678). Marseus vivait dans la banlieue d'Amsterdam, dans une zone marécageuse appelée «le pays des serpents». Il passait une grande partie de son temps à observer et à capturer des spécimens de reptiles, d'insectes et d'amphibiens – à tel point que sa femme prétendait que les serpents commençaient à poser pour lui !

Il semble que Marseus s'intéressait autant aux aspects scientifiques et naturels de cette population de base qu'à leur potentiel en tant que sujets artistiques. Il vivait à une époque où les théories scientifiques étaient débattues et discutées dans toute la société instruite, comme la croyance répandue en la génération spontanée, selon laquelle certains animaux et plantes, en particulier les «êtres inférieurs» comme les serpents, les crapauds et les champignons, pouvaient naître de matières non vivantes – comme les asticots générés par la chair en décomposition.

 

Détail de la peinture ci-dessus, avec les couleurs actuelles des papillons ...

Le peintre et scientifique amateur a effectivement franchi la frontière entre la science et l'art lorsqu'il a collé les écailles des ailes de véritables papillons sur sa toile. La technique consistait à faire une réserve en forme d'aile en utilisant comme imprimatura un adhésif blanc, probablement à base de plomb. Les ailes étaient ensuite pressées sur cette réserve, ce qui faisait adhérer les écailles à la toile, le fond blanc rehaussant les couleurs chatoyantes. L'effet devait être enchanteur. Aujourd'hui, en raison de la décoloration des écailles des papillons, les ailes semblent blanches, à moins qu'elles n'aient été surpeintes.

 

... et les couleurs telles qu'elles auraient pu apparaître à l'origine.

Marseus avait de nombreux adeptes, et Carl Wilhelm de Hamilton fut l'un des plus influents dans la diffusion du genre sottobosco, puisqu'il émigra de Belgique en Allemagne, où il travailla comme peintre de cour dans plusieurs villes. L'examen microscopique des œuvres ci-présentes du chercheur V.E. Mandrij a révélé les restes des écailles de papillon originales que Hamilton a appliquées, ainsi que quelques glacis colorés que l'artiste a ajoutés, probablement pour compléter les zones où des écailles manquaient. Hamilton a également imité la technique de Marseus qui consiste à utiliser de véritables lichens et mousses au lieu d'un pinceau pour représenter cette végétation.

 

Carl Wilhelm de Hamilton (1668–1754)
Nature morte de forêt (détail).
Huile sur panneau. 47,2 x 34 cm.


Un aspect intéressant du travail de Marseus et de Hamilton est que, malgré les possibilités symboliques évidentes qu'offrent de telles compositions (le mot grec pour papillon, psyché, signifie également « âme », de sorte qu'un serpent ou un crapaud qui attrape un papillon évoque une myriade de possibilités moralisatrices), les artistes semblaient plus intéressés par la représentation d'animaux et de plantes réels, dépourvus de toute signification cachée, pour le plaisir de recréer – ou plutôt de créer – un moment intime sur le sol de la forêt.

Le travail de Marseus et de ses suiveurs a ensuite été presque complètement oublié, et ce n'est qu'en 1991, avec l'installation "In and Out of Love" de Damien Hirst, que les vrais papillons ont fait leur réapparition dans le monde de l'art.



 

Derrière la toile : Amour et scandale en Grande-Bretagne géorgienne

Seymour Dorothy Fleming (1757–1818), Lady Worsley.
Portrait par Joshua Reynolds, 1776 (détail).
Harewood House Trust, Yorkshire.


Le portrait de John Lewis Fleming (1779–1836) qui sera présenté aux enchères le 25 septembre (lot 3083) est non seulement intéressant pour son attribution à Sir Thomas Lawrence, l'un des plus grands portraitistes britanniques, mais aussi pour l'association de Fleming avec l'une des femmes les plus célèbres de la fin du XVIIIe siècle en Angleterre : son épouse, Seymour Dorothy Fleming (1757–1818).

Seymour Fleming, héritière têtue d'une petite fortune, a épousé Sir Richard Worsley à l'âge de dix-sept ans. Worsley était issu d'une vieille famille aristocratique et avait besoin d'une plus grande fortune pour améliorer sa position dans la société londonienne. Ils eurent un fils ensemble, Robert Edwin, mais Lady Worsley se sentit bientôt négligée et agitée, et se lança dans une série d'affaires, dont une avec un voisin et ami proche de Sir Richard, le capitaine George Maurice Bissett. La relation avec Bissett devint rapidement sérieuse (en août 1781, Lady Worsley donne naissance à une fille qui serait celle de Bissett), et en novembre 1781, Seymour s'enfuit avec son amant. C'était un acte audacieux pour l'époque – la plupart des dames de son rang auraient simplement poursuivi l'affaire pendant que leurs maris fermaient les yeux, comme apparemment Worsley l'avait fait jusqu'alors – mais elle espérait probablement qu'un geste aussi intrépide persuaderait son mari de lui accorder le divorce.

 

Une satire de 1782 se moquant de Lord Worsley et de sa rétribution d'un shilling de dommages et intérêts. Eau-forte publiée par Hannah Humphrey.
© The Trustees of the British Museum.


L'effet fut tout à fait contraire – furieux de la trahison publique d'un ami, Worsley poursuivit Bissett pour ce qu'on appelait la Conversation criminelle, une action civile en dommages et intérêts en compensation de la séduction de sa femme. Il a également refusé d'accorder le divorce à Seymour et a exigé la somme sans précédent de £ 20 000, qui aurait ruiné Bissett. Worsley semblait avoir un dossier solide, avec lettres et témoins à l’appui, mais Seymour n'était pas du genre à concéder la défaite aussi facilement. Elle adopte la défense, quelque peu téméraire, de la révélation de détails intimes de la vie privée du couple pendant le procès, avec des témoins relatant des épisodes du voyeurisme de Sir Richard et l'encouragement des infidélités de sa femme. Elle a réussi : au lieu de £ 20 000, le jury a accordé à Worsley la somme humiliante d'un shilling, et il est devenu la risée de toute l'Angleterre, l'obligeant à fuir les harcèlements de la presse populaire par un voyage prolongé au Moyen-Orient.

Mais Seymour est également devenu un paria social. Personne, dans la société britannique polie de l'époque, ne pouvait s'associer à quelqu'un qui avait si ouvertement rendu publics ses actes scandaleux, et elle se retrouva évincée par bon nombre de ses anciens amis et de sa famille. Une fois de plus, Seymour refusa de s'incliner devant son sort et, avec d'autres femmes dans une situation similaire, elle devint membre du demi-monde qui se réunissait socialement sous le nom de "New Female Coterie". Bissett finit par la quitter, car il n'y avait aucune possibilité de mariage – Worsley ne signa même pas d'accord de séparation avant six ans après le procès, avec la clause que Seymour quitte l'Angleterre pendant quatre ans. Elle s'installe à Paris, où les femmes de sa réputation sont mieux acceptées socialement, mais un an après son arrivée, la Révolution éclate. Emportée par le règne de la terreur, Seymour a probablement passé un certain temps dans une prison française avant de rentrer finalement en Angleterre en 1797, très malade et dans une situation financière précaire.

 

Attribué à Sir Thomas Lawrence (1769–1830).
Portrait de John Lewis Fleming (1779–1836).
Huile sur toile. 76,5 × 63,8 cm.
Vendu pour CHF 25 000


À cette époque, Seymour rencontre et tombe amoureux de John Louis Hummell (né Cuchet), un musicien genevois qui a été une sorte d’enfant prodige, se produisant même pour le roi George III et la reine Charlotte à l'âge de neuf ans. Leur différence d'âge était considérable, mais il semble qu'il y ait eu une réelle affection entre eux. Lorsque Worsley meurt en 1805 et que Seymour entre enfin en possession de ses biens, ils se marient et Hummell change son nom en John Lewis Fleming ; Seymour reprend également son nom de jeune fille. Le présent portrait a très probablement été commandé par Seymour au portraitiste le plus en vogue de l'époque, comme une sorte de publicité pour l'arrivée de son nouveau mari dans la société (le musicien, bien qu'à l'aise dans les milieux sociaux de la classe supérieure, n'était pas né dans une famille noble).

Deux ans après la mort de Seymour en 1818, Fleming – qui avait hérité de la fortune de Seymour – épousa une noble française, Ernestine Jeanne Marie de Houdetot (1796–1836). Leur fille épouse un patricien bernois, Dyonis Bernhard Friedrich von Graffenried (1815–1886), et le tableau arrive donc en Suisse, où il reste depuis dans la même famille. Le dernier souhait de John Lewis Fleming était d'être enterré aux côtés de sa première femme, Seymour Dorothy Fleming, au cimetière du Père Lachaise à Paris.



 

«Le goût Rothschild» dans une capsule temporelle

Vue de l'intérieur de l'Hôtel Salomon de Rothschild. La table d'accouchée est visible au milieu à gauche.


La table d’accouchée qui sera proposée à la vente lors de nos enchères du 24 septembre (lot 1050), appartenait à Adèle de Rothschild (1843–1922), membre d'une des familles les plus riches de l'histoire. La famille Rothschild, dont la richesse provenait de la banque et de la finance, était une famille de collectionneurs passionnés. Leurs préférences en matière de collection et leur style de décoration ont été connus dans la seconde moitié du XIXe siècle sous le nom du «goût Rothschild». Leurs maisons palatiales de style Renaissance, remplies de la plus belle sélection d'antiquités (principalement françaises), de bronzes dorés, de tapisseries lourdes et de boiseries sculptées, ont établi une nouvelle norme et ont été imitées par les générations suivantes de personnes fortunées telles que les Rockefeller, les Vanderbilt, les Dupont et les Getty.

À Paris, en 1862, Adèle de Rothschild épouse son cousin, Salomon de Rothschild (1835–1864), qui meurt d'une crise cardiaque deux ans plus tard. L'impétuosité et l'extravagance financière de Salomon causait souvent des difficultés au reste de sa famille, mais il était aussi un collectionneur dévoué et passionné, accumulant un nombre impressionnant de livres, de photographies, de peintures, de sculptures, d'arts décoratifs et d'art du Moyen-Orient de grande qualité, surtout pendant les deux années suivant son mariage avec Adèle. Après la mort de son mari, Adèle, âgée de vingt-et-un ans, a mené une existence quelque peu solitaire pendant le demi-siècle qui a suivi, bien que certains indices – notamment des dépenses importantes pour du cognac et des cigares – montrent qu'elle a continué à mener une vie sociale active et très sélective, au sein de sa résidence. Elle a soutenu les arts tout au long de sa vie, et a été l'un des premiers mécènes d'Alphonse Mucha, par exemple, en parrainant sa première visite aux États-Unis en 1904.

 

Table d'accouchée Louis XV. Paris, vers 1750/60.

À partir de 1872, Adèle supervise la construction d'un grand hôtel particulier dans le quartier de la Plaine-Monceau à Paris, l'Hôtel Salomon de Rothschild, conçu pour abriter et exposer les collections de son défunt mari ainsi que celles de son père, Mayer Carl de Rothschild. La présente table faisait partie du somptueux décor de l'Hôtel Rothschild et est un exemple typique de la qualité des légendaires collections de meubles de la famille. La table d'accouchée est l'une des nombreuses formes de mobilier français inventées au milieu du XVIIIe siècle qui correspondaient à un changement, à l'époque de Louis XV, de la manière très exposée de vivre à Versailles sous le règne précédent vers des appartements plus intimes. La partie supérieure se soulève et est conçue pour être utilisée en position couchée dans le lit, comme lutrin, bureau ou plateau de repas.

Aujourd'hui, selon le souhait d'Adèle de Rothschild, l'Hôtel Salomon de Rothschild abrite une fondation dédiée aux artistes et aux arts, et une pièce a été soigneusement préservée et est ouverte au public, le Cabinet de curiosités. Contenant plus de 400 œuvres d'art, il est un excellent exemple du «goût Rothschild» et une fascinante capsule temporelle, témoin d'une époque où les collectionneurs fortunés pouvaient pleinement satisfaire leur passion pour les œuvres d'art extraordinaires.



    25 ARBRES POUR LA JEUNESSE

L'organisation faîtière des parlements de jeunes suisses FSPJ fête son 25e anniversaire et laisse une trace durable. À l'occasion de cet anniversaire, 25 arbres seront plantés. Ils sont donc symboliques de la promotion de la participation politique et de l'éducation politique des jeunes et des jeunes adultes depuis la fondation de la FSPJ.

Participez à la vente aux enchères des 25 arbres via Koller et soutenez la politique suisse de la jeunesse ! Vous pouvez enchérir sur notre page « ibid online only » à partir du 5 octobre 2020. La vente est prévue pour le 23 octobre 2020.

Lire davantage sur la FSPJ ici.





 

 



 

Un tableau du "Siècle d'or"

La spécialiste de peinture de Maîtres Anciens, Karoline Weser, présente un paysage réalisé par Salomon van Ruysdael, un des artistes les plus importants du Siècle d’or hollandais.


Précision astronomique

Le mouvement méticuleux de cette fascinante pendule astronomique est révélé par Stephan Koller, spécialiste de Mobilier et Arts décoratifs.



 

KOLLERview est publié quatre fois par an, en anglais et en allemand.

Prochain numéro : septembre 2020.


Click & Read

Dans ce numéro :

• Le pouvoir de la série
• De l'abstraction au figuratif
• Regard dans l'infini
• Osmose entre le Surréalisme et la réalité
• Précise toute l'année
• Turquoise – aimée partout dans le monde
• La collection en tant que passion privée
• Éveil spirituel et aide matérielle

 



 

Hundertwasser – artiste, architecte et activiste environnemental

La Cave Quixote, Napa Valley, Californie.
Photo: Treve Johnson


À Napa Valley (Californie), Carl Doumani, propriétaire du domaine viticole Quixote alors en construction, était ravi de montrer l’état de sa dernière acquisition à son architecte, Friedensreich Hundertwasser : une série de colonnes incrustées de carreaux, conçues par Hundertwasser et fabriquées sur mesure en Allemagne, qui étaient toutes arrivées étonnamment intactes, malgré leur fragilité. Hundertwasser observa les colonnes et prit immédiatement un marteau afin d’en briser une en morceaux. "S'ils ne voient pas que nous utilisons des matériaux cassés, ils ne sauront jamais", dira l'artiste.

Cet amour pour l'imperfection, si caractéristique d’Hundertwasser (1928-2000), découle de son rapport profond et intime avec la nature. Bien connu en tant que peintre et architecte iconoclaste, Hundertwasser aurait également été heureux qu’on se souvienne de lui comme un infatigable activiste environnemental. Pionnier dans ce domaine, Hundertwasser n'a jamais abandonné son combat pour intégrer la nature dans notre vie quotidienne, ressource qui selon lui est essentielle à notre bien-être physique et mental.

 

Friedensreich Hundertwasser (1928–2000)
Der gelbe Platz - Flugplatz. 1958.
Aquarelle avec vernis sur papier d'emballage, à fond de craie.
Vendu pour CHF 195 000


Son enfance à Vienne a été profondément marquée par la montée du nazisme et la Seconde Guerre mondiale. Sa mère étant juive, il dût se faire passer pour catholique afin d'échapper au sort de ses nombreux parents. Il trouva du réconfort dans la nature, et mènera une guerre, toute sa vie durant, contre la ligne droite "impie, sacrilège et immorale", absente dans la nature et trop présente dans les défilés militaires de sa jeunesse.

La tension entre le monde naturel et les tentatives artificielles de l'homme pour le renverser est omniprésente dans l'art, l'architecture et les écrits de Hundertwasser. Publié pour la première fois en 1958, son "Manifeste de la moisissure contre le rationalisme dans l’architecture" soutient que la moisissure et la rouille ont leur place dans les habitations car "c’est la vie qui entre dans la maison" et grâce à ce processus, "plus conscients que jamais auparavant, nous devenons les témoins de transformations architectoniques dont nous avons beaucoup à apprendre".

Dans l'œuvre présentée ici, "Der gelbe Platz - Flugplatz" (la place jaune - aérodrome) de 1958, cette tension apparait clairement dans la composition, séparée en deux parties par une ligne horizontale. Dans la partie supérieure, la nature reprend ses droits et toute son importance, symbolisée par une spirale complète entourée de végétation. L'harmonie de la partie du haut est cruellement absente dans la moitié inférieure avec une spirale brisée, l'incursion d'éléments industriels - tel que les usines aux cheminées fumantes - et une atmosphère générale d'inachèvement. La spirale est très importante dans la vision du monde de Hundertwasser. "Je suis convaincu que la création s’est faite sous forme de spirale" écrit-il. "Notre vie entière se déroule en spirales".

Die Spirale war massgebend in Hundertwassers Sicht der Welt. "Ich bin überzeugt, dass sich der Schöpfungsakt in Form einer Spirale vollzogen hat", schrieb er. "Unser ganzes Leben verläuft in Spiralen".

Pour Hundertwasser, une maison - et par extension un monde - ne laissant aucune place à la nature est tout simplement inhabitable. Il consacra sa vie entière, à travers son art, son architecture et son activisme, à augmenter la quantité d'espaces où les êtres humains peuvent non seulement vivre mais prospérer, en harmonie avec la nature.



Prochaines ventes:
5 décembre – Estampes & Multiples
5 décembre – PostWar & Contemporary


Catalogues



 

Chamberlain et César

John Chamberlain (1927–2011)
Kiss #14. 1979.
Acier peint. 68,5 x 59,5 x 61 cm.
Vendu pour CHF 526 000.


Les sculptures de l’artiste américain John Chamberlain (1927–2011) et celles de l’artiste français César (1921–1998) sont souvent considérées comme de la même tendance artistique. Si certaines œuvres peuvent sembler similaires, le processus artistique et la philosophie sous-jacente sont très différents.

Les premières influences de Chamberlain se trouvent parmi la première génération d’Expressionnistes Abstraits : les sculptures de David Smith en particulier, les peintures de Franz Kline et le travail de son ami et mentor Willem de Kooning. Il eut l’idée d’utiliser des anciennes pièces de voiture au milieu des années 1950 alors qu’il séjournait chez son ami peintre Larry Rivers, à Long Island, où des pièces d’une Ford 1929 gisaient dans la cour. Chamberlain roula à plusieurs reprises sur les ailes de métal rouillé avec un camion, les transformant finalement en «Shortstop» (1957), sa première sculpture composée de fragments de voiture.

«Shortstop» fit sensation, et au début des années 1960 Chamberlain était déjà une figure reconnue du monde de l’art. En parlant de ces premières sculptures, Chamberlain déclara plus tard : «Je me suis retrouvé à travailler avec une certaine spontanéité. J’essayais d’attacher la partie supérieure (d’une sculpture) à la moitié inférieure, mais quand je l’ai mise au bon endroit, elle s’est assemblée à trois endroits différents et m’a donc dit comment être montée». Cette anecdote décrit avec justesse un aspect important du processus artistique de Chamberlain : ses sculptures sont une forme de collage, dans la tradition surréaliste qui inspira de nombreux Expressionnistes Abstraits. Pour Chamberlain, et d’autres artistes tels que de Kooning et Jackson Pollock, le processus de création est aussi important, sinon plus, que l’œuvre elle-même ou les matériaux qui la composent.

 

César (César Baldaccini) (1921–1998)
Compression Evian. 1990.
Compression avec diverses bouteilles en plastique.
30 x 21 x 21 cm. Pièce unique.
Vendu pour CHF 8 700.


César fait partie des Nouveaux Réalistes, groupe d’artistes davantage proches de Dada, le mouvement précurseur du Surréalisme. Provenant d’un milieu humble, César commença à utiliser des objets trouvés par manque d’accès à des matériaux plus couteux. Les composants de ses sculptures - comme dans beaucoup d’œuvres des Nouveaux Réalistes - ont presque toujours une signification politique et/ou sociologique. Présentée ici, sa «Compression» est une critique ouverte de notre société de consommation, tandis que pour Chamberlain - malgré les associations apparemment évidentes avec les voitures comme symboles de la culture de consommation américaine - a toujours refusé de définir son travail comme militant. Apolitique, l’Expressionnisme Abstrait parait ainsi plus égocentré que d’autres mouvements et c’est précisément cette propre prise au sérieux que les Nouveaux Réalistes ont détourné à chaque occasion : citons les «Tirs» revendicateurs de Niki de Saint-Phall, où les spectateurs étaient invités à tirer à la carabine sur des sacs de peinture attachés à une toile et reproduire ainsi une sorte de «ready-made» de la peinture au goutte-à-goutte comme celle de Jackson Pollock.

 

John Chamberlain (1927–2011)
Grass Skirt Opus. 2002.
Acier peint et chromé. 41 x 33 x 32 cm.


La couleur est une autre caractéristique essentielle de l’œuvre de Chamberlain. Dans les années 1950, alors qu’une grande partie des sculptures contemporaines étaient monochromes, les couleurs vives et brillantes de Chamberlain explosaient sur la scène artistique. Au début, la polychromie dépendait des morceaux de voiture qu’il utilisait, mais plus tard, l’artiste n'hésita pas à ajouter de la couleur, peignant parfois les pièces avant qu’elles ne soient déformées et après les avoir assemblées, ponçant certaines zones pour obtenir l’effet désiré. Si la couleur était importante aussi pour César, il est difficile de l’imaginer complètement modifier les teintes des objets trouvés qui composent ses sculptures.

 

César (César Baldaccini) (1921–1998)
Compression.
Tôle peinte. 31 x 31 x 16 cm.
Vendu pour CHF 24 700


Un point que Chamberlain et César ont toutefois en commun est qu’ils sont, comme beaucoup d’artistes, célèbres pour un seul aspect de leur travail. Les deux artistes, talentueux et polyvalents, travaillaient avec une multitude de médias différents – Chamberlain réalisa même des films underground dans le style de Warhol dans les années 1960 - mais dans l’esprit du public, ils sont associés à une seule chose : les sculptures compressées. Espérons que de futures rétrospectives permettront de mieux comprendre travail de ces deux artistes et la période fascinante durant laquelle ils ont vécu.



Prochanes ventes
:
5 décembre – Estampes & Multiples
5 décembre – PostWar & Contemporary


Catalogues



 

Refuges idylliques : les jardins d'artistes

Fabio Sidler

Max Liebermann dans le jardin de Wannsee vers 1922.
© Max Liebermann Society.


Dès les premiers assouplissements des mesures sanitaires contre le Covid19 en Suisse, les centres de jardinage ont fait l’objet de véritables ruées. Excepté les activités culinaires, l’entretien du jardin a probablement été l’occupation la plus populaire pendant le confinement dans de nombreuses parties du monde. Le jardin a toujours été considéré comme un refuge, un lieu sûr. Et cela fait clairement écho dans l’histoire culturelle européenne : depuis le 15e siècle aux environs de Florence, la culture de la maison de campagne – ou villa – a revu le jour, selon le modèle antique romain. Loin de la ville, les Médicis et autres puissants marchands et dirigeants créent de magnifiques domaines ruraux entourés de jardins soignés, aujourd'hui connus sous le nom de Jardins de la Renaissance. Ces espaces idylliques devinrent des lieux d’échange entre intellectuels à propos de littérature, art et philosophie. Dans le Decameron de Boccaccio, par exemple, dix jeunes nobles se retrouvent dans un somptueux jardin pour s’isoler de la peste environnante et oublier la noirceur du quotidien en se racontant des histoires.

Il est frappant de noter combien d’artistes impressionnistes et modernes avaient eux aussi des maisons de campagne avec de beaux jardins ; l’exemple le plus célèbre étant probablement celui de Claude Monet à Giverny. Dans son livre The Artists' Garden, Jackie Bennett cite plus de 20 jardins d’artistes de renommée mondiale (White Lion Publishing, 2019). Ces espaces verts sont autant une source d’inspiration, un atelier en plein air ou un refuge discret. Beaucoup de ces jardins peuvent encore être visités aujourd’hui.

Dans nos ventes aux enchères du 19 juin et du 3 juillet, vous retrouverez également de magnifiques exemples de vues de jardin :

 

Max Liebermann (1847–1935)
Parterre de fleurs dans le jardin à Wannsee vue du nord. 1918. Huile sur carton. Vendu pour CHF 488 000.


Max Liebermann
En 1909, Max Liebermann acquiert une propriété au Wannsee, comprenant une villa et une maison de jardin, qu’il appellera affectueusement son «château sur le lac». La terrasse fleurie et le potager de sa maison d’été feront l’objet d’une longue série de peintures de jardin qui a considérablement façonné les œuvres tardives de l’Impressionniste allemand. Liebermann agrandissait régulièrement ses jardins – demandant notamment conseil au directeur de la Kunsthalle de Hambourg, Alfred Lichtwark – afin de créer un atelier personnalisé en plein air. A partir de 1914, il en fait un usage intensif et puise son inspiration dans les plantes en constante évolution, les fleurs colorées, les verts luxuriants des prés et des arbres et une variété infinie de motifs végétaux peints sous tous les angles. En tout, il réalise environ 200 peintures et de nombreux dessins, témoins de la splendeur de son jardin. Il n’est donc pas surprenant que Liebermann aimait y passer beaucoup de temps, surtout pendant la Première Guerre mondiale et la Grande Dépression qui la suivit.



 

Henri Martin (1860–1943)
Pergola Nord-Ouest de Marquayrol en fin d'automne.
1910–20. Huile sur toile.


Henri Martin
Après 10 ans de recherche de sa parfaite maison de campagne, Henri Martin acquiert finalement en 1900 une grande villa du 17e siècle, appelée Marquayrol, dans le village de Labastide-du-Vert, dans le Sud-Ouest de la France. La maison et sa région deviennent alors le lieu de vacances de l’artiste, où il fuit chaque année la capitale entre mai et novembre pour profiter de la sérénité de la nature.

 

Pierre-Auguste Renoir (1860–1943)
Dans le jardin des Collettes à Cagnes. Vers 1910.
Huile sur toile. Vendu pour CHF 360 000


Pierre-Auguste Renoir
En 1907, Renoir achète le domaine des «Collettes» à Cagnes, au bord de la Méditerranée, près de Nice. Il s’y installe à l’automne 1908. Le domaine, avec sa ferme pittoresque, ses oliveraies et ses orangeraies dans un paysage vallonné, offre à l’artiste de nombreux sujets pour ses œuvres tardives. Renoir réussit à y transcrire une lumière argentée semblable à celle de Camille Corot, qu’il admirait beaucoup, notamment dans ses paysages français vers 1850. Le tableau proposé en vente ici est un exemple particulièrement délicat de Renoir, aux finitions harmonieuses, vraisemblablement apprécié de son auteur car signé à la main.

 

Albert Marquet (1875–1947)
Arbre en fleurs devant Alger. Vers 1943.
Huile sur toile.


Albert Marquet
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Albert Marquet et son épouse Marcelle restent à Alger et achètent, en 1941, un morceau de terre à l’extérieur de la ville appelé Djenan Sidi Saïd, littéralement “le jardin du seigneur heureux”. Ce lieu restera à jamais leur refuge idyllique.



Prochaines ventes, beaux-arts :

4 décembre – Art impressionniste & moderne
4 décembre – Art suisse
5 décembre – PostWar & Contemporary, Estampes & Multiples

Catalogues



 

Pirates, Piété et Pouvoir :
le destin de l’atelier extraordinaire de Roentgen, qui aurait pu ne jamais exister

Un navire des Frères moraves du 18e siècle

En 1737, Abraham Roentgen avait embarqué sur un navire à destination des colonies de Caroline du Nord dans le but de devenir missionnaire au sein des Frères moraves, à laquelle il s’était recémentent converti. Le jeune ébéniste allemand avait tout laissé derrière lui : sa jeune femme, en convalescence à la suite d’un enfant mort-né, et une carrière prometteuse à Londres en tant que fabricant de meubles pour une riche clientèle britannique. Le voyage fut soudainement interrompu lorsque des pirates espagnols attaquèrent le bateau. Après avoir été bloqué sur la côte irlandaise pendant plusieurs semaines, Roentgen retourna auprès de sa femme et décida de reprendre son métier d’ébéniste sur le continent, en Allemagne.

 

Atelier d'Abraham et David Roentgen
Bureau mécanique, finement marqueté.
Neuwied, vers 1765/68. Vendu pour CHF 73 000.


Abraham (1711–1791) et son fils David Roentgen (1743–1807) firent de leur entreprise de meubles la plus prospère du 18e siècle – succès qui n’aurait vraisemblablement pas eu lieu si ces pirates avaient choisi un autre navire à attaquer. Le comte de Neuwied invita les Frères moraves (ou «Herrnhuter» en allemand) à s'installer dans sa ville en 1750 et Abraham Roentgen y installa son entreprise qui y restera durant les cinquante prochaines années.

Parmi les privilèges particuliers accordés par le comte à la confrérie, l’exemption à la limite du nombre de travailleurs dans un atelier, ainsi qu'à la division stricte du travail entre les guildes permirent à Roentgen de développer rapidement son ébénisterie en augmentant le nombre de travailleurs selon les besoins et en employant les meilleurs maîtres artisans pour chacun des éléments de ses meubles. Cette liberté – y compris dans le travail du châssis, de la sculpture, du tournage et des bronzes – lui permit d’avoir un contrôle complet sur la qualité du mobilier issu de son atelier.

 

Détail de la marqueterie du bureau mécanique ci-dessus.

Les meubles de Roentgen séduisirent rapidement la noblesse allemande. L’ébéniste introduit non seulement les formes à la mode et les techniques acquises en Angleterre, mais inclut également des mécanismes ingénieux alliés aux meilleures finitions de marqueterie et d'incrustations, tel que l’exemple présenté ici. David rejoignit l'atelier de son père dès son plus jeune âge et, ensemble, ils bâtirent une solide réputation dans la fabrication de meubles luxueux.

Toutefois, suite à la guerre de Sept Ans (1756–1763), alors que les finances de la société reflètent le désarroi dans lequel se trouve l'Europe, les Roentgens durent élargir leur clientèle. Ils se rendirent alors à Londres pour envisager d'y établir un atelier et, malgré leurs difficultés financières, revinrent avec une importante quantité de bois exotiques et de garnitures.

Ces dépenses additionnelles, ainsi que la pratique des Roentgens visant à produire des pièces coûteuses sur spéculation plutôt que sur commande, finirent par irriter la communauté de Herrnhuter quant aux nombreux prêts accordés à l’atelier. La Confrérie mit non seulement un terme aux financements, mais exclut également David des offices religieux.

 

Le "Cabinet de Neuwied", le meuble le plus cher jamais vendu au 18e siècle.
© Photo : Kunstgewerbemuseum, Staatliche Museen zu Berlin. Photographe : Stephan Klonk


Face à cette crise, David eut une idée novatrice mais risquée : il organiserait une loterie pour vendre son stock de meubles prestigieux. Confiant quant à la fascination pour les jeux de hasard qui régnait alors parmi l'élite européenne, et malgré le fait qu'une telle pratique était contraire aux préceptes de la confrérie, David entreprit une tournée promotionnelle dans les grandes villes allemandes, présentant les «produits de Neuwied» comme une marque de luxe incontournable. Le premier prix était un magnifique bureau-cabinet aux chinoiseries avec une horloge au carillon.

La loterie, qui eut lieu à Hambourg en 1769, fut un véritable succès : tous les billets se vendirent et la réputation de l’atelier Roentgen se répandit dans toute l'Europe.

Au cours des trente années suivantes, David Roentgen vendit les créations de l'atelier aux personnalités les plus puissantes d'Europe en pensant, à juste titre, que si le régent achetait ses meubles, ses courtisans et d'autres riches sujets le suivraient. Le stratagème fonctionna à merveille et Roentgen approcha des dirigeants tels que Marie-Antoinette, Louis XVI et Catherine la Grande avec une implacable confiance, fabriquant souvent des pièces extrêmement coûteuses sans même savoir s'ils consentiraient ou non à les acheter.

À Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse, Roentgen vendit un bureau-cabinet pour la somme impressionnante de 13 000 thaler d'or, ce qui en fait le meuble le plus cher jamais vendu au 18e siècle.

 

Portrait de David Roentgen, vers 1785-90
Roentgen Museum, Neuwied


Les meubles des Roentgens, tel que le bureau mécanique proposé en vente aux enchères ce 18 juin, témoignent de l'ingéniosité et du superbe savoir-faire de cet atelier remarquable, ainsi que du goût prédominant des classes dirigeantes au Siècle des Lumières. À la fin de sa longue carrière, David Roentgen, comme son père avant lui, se retira au sein de la confrérie Herrnhuter avec laquelle il finit par se réconcilier, tandis que ses compétences diplomatiques et ses relations étendues servirent encore la cour prussienne. Son héritage survivra, véritable modèle d’émulation pour les ébénistes du 19e siècle et au-delà.






Prochaines ventes, Mobilier & Arts Décoratifs
:
24 septembre 2020 – Mobilier & Porcelaine


Catalogues



 

Andy Warhol, cinéaste underground

La couverture de la bande originale du film "Blood for Dracula".

Au milieu d’une fête, on demanda un jour à Andy Warhol tenant son appareil photo à la main : "Pourquoi prenez-vous constamment des photos de personnes ?" Warhol fixa un instant l'invité qui tenait une cigarette, puis répondit : "Pourquoi fumez-vous ?".

Fasciné par l'image photographique, Warhol tournera aussi des centaines de films dès son arrivée dans la "Factory" en 1963. Ses premières réalisations sont silencieuses, en noir et blanc, en raison des limites de sa camera Bolex 16 mm. De cette période sont issus les films "Sleep" (représentant un homme dormant pendant presque 6 heures) "Kiss", "Haircut", ainsi que sa première version inachevée de "Dracula" (1964), avec pour acteur principal le cinéaste underground Jack Smith.

 

Une scène de "Chelsea Girls", avec Nico and Ondine. Le film était projeté en écran divisé.

Les films de Warhol eurent un certain succès au sein de la scène underground newyorkaise du milieu des années 1960. Certaines productions de cette période sont aujourd’hui considérées comme de véritables classiques tel que "Chelsea Girls" (1966), une série de douze films de 33 minutes. Les scènes y ont été tournées dans différentes pièces de l'hôtel Chelsea, surnommé "L'Iliade du métro" par le Newsweek. La carrière de Warhol en tant que réalisateur se terminera plus ou moins avec l’épisode - quasi fatal - des coups de feu qui lui sont destinés en 1968 par Valerie Solanas, une habituée de la Factory. Paul Morrissey, son principal assistant à la réalisation depuis 1965, prit alors le relais et diffusa les films produits par Warhol à un public beaucoup plus large.

 

Udo Kier devenant vert dans "Blood for Dracula".

C’est ce même Morrissey qui réalisa "Andy Warhol’s Dracula" (1973-74) pour lequel cette image fut créée. Plus tard intitulé "Blood for Dracula", le film met en vedette l'acteur allemand Udo Kier et Joe Dallesandro, un acteur américain qui apparait dans de nombreuses productions de Warhol / Morrissey, dont "Flesh for Frankenstein". Le tournage de "Dracula" commença quelques jours seulement après la fin de "Frankenstein", le temps aux acteurs de se faire couper les cheveux pour interpréter leurs nouveaux rôles. "Dracula" suscitera en Allemagne et aux États-Unis des critiques plutôt mitigées, mais est devenu depuis un film culte et, malgré une esthétique "trash" à petit budget, contient des scènes magnifiquement tournées.

 

Andy Warhol (1928–1987)
Dracula. 1981.
Sérigraphie en couleurs avec poussière de diamant.
TP 2/30, épreuve d'essai en dehors de l'édition de 200. Pièce unique.
Vendu pour CHF 115 000 (prix record)


Warhol intègre l'image d'Udo Kier en Dracula dans sa série "Mythes" de 1981, dépeignant des icônes de la culture populaire. La sérigraphie présentée ici est une épreuve unique, différant considérablement des autres versions test par ses couleurs vibrantes et l'utilisation de poussière de diamant, alors que dans la version finale, le vampire aux tons gris-noir se fond presque dans le sombre arrière-plan. Le film est peut-être essentiellement l'œuvre de Morrisey, mais l'appropriation et la réutilisation d’un symbole de la culture populaire, comme le montre la sérigraphie en question, est la quintessence même de l’Œuvre de Warhol.



Prochaines ventes :
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5 décembre – Estampes & Multiples
5 décembre – PostWar & Contemporary


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Quand un collier de perles valait le prix d'un hôtel particulier

Elizabeth Taylor avec un de ses colliers de perles fines.

Pendant des millénaires, les perles fines ont été parmi les objets les plus précieux que l'on puisse posséder. C’est ainsi que Cléopâtre remporta son célèbre pari contre Marc-Antoine selon lequel elle dépensa 10 millions de sesterces en un seul dîner, en dissolvant une perle fine exceptionnellement grande dans du vinaigre qu’elle aurait bu. En 1917, Pierre Cartier acheta un hôtel particulier sur la 5e avenue de New York (aujourd’hui connu sous le nom de «Cartier Mansion») en échange d’un collier de perles fines à deux rangs d'une valeur de 1 million de dollars de l’époque.

Comme l'atteste la facture originale, le collier de perles et de diamants proposé dans notre vente aux enchères du 2 juillet avait été évalué à 100 000 francs suisses en 1919 par un bijoutier zurichois, soit environ 1 million de francs actuels. Mais quelques années seulement après l’échange de Cartier et l’achat du collier zurichois, les perles valaient une fraction de leur ancienne valeur. Comment s’explique cette chute abrupte ?

 

Chasseurs de perles chinois, de l'encyclopédie Tiangong Kaiwu, 1637.

La valeur des perles fines avant le 20e siècle résidait dans leur rareté extrême. En effet, il faut des années à un mollusque pour créer une perle, et ce processus ne survient que rarement, dans un coquillage sur dix mille environ. Les chasseurs de perles ont dû plonger jusqu'à 40 mètres de profondeur pour récupérer d'éventuels coquillages perliers ; activité aussi dangereuse que chronophage. Par conséquent, les perles étaient réservées aux personnes extrêmement fortunées et apparaissaient, bien en évidence, dans des pendentifs, boucles d'oreilles et colliers richement ornés.

 

Différentes sortes de perles de culture. Photo © GIA.

Dès 1921, les perles de culture sont apparues pour la première fois sur le marché international, développées entre autres au Japon dès la fin du 19e siècle par Kokichi Mikimoto. Une perle fine se forme lorsqu'un mollusque crée une couche de protection nacrée autour d'un minuscule corps étranger ou d’une blessure. Avec les perles de culture, une boule de nacre et un morceau d’épithélium est inséré par l’homme, avec pour résultat une production beaucoup plus efficace, et des prix abordables. Dans les années 1950 et 1960, les perles de culture étaient donc à la portée de la classe moyenne, et le fait qu'elles soient portées par des célébrités telles que Jackie Kennedy et Marilyn Monroe les rendaient d'autant plus attrayantes.

 

Collier perles fines et diamants, vers 1919.
89 perles fines, D ca. 4 – 7,2 mm
Avec facture d'achat originales d'Eugen Keller, décembre 1919.
Vendu pour CHF 16 000


Aujourd'hui, il est possible d'obtenir ce qui était autrefois l'un des plus grands trésors du monde, un collier de perles fines, et de profiter de ce que seuls quelques chanceux pouvaient se permettre.



Prochaines ventes :
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29 septembre –  Joaillerie (online only)


Catalogues



 

École émilienne, 16e siècle (détail)

Vendu pour CHF 45 000

Voir les résultats

Excellents résultats et enchères dynamiques pour les ventes en ligne de Koller malgré le climat actuel

La crise du coronavirus n’a pas découragé les nombreux enchérisseurs en ligne qui ont participé avec enthousiasme aux ventes "ibid online only" de Koller. Les ventes, clôturées les 31 mars et 1er avril, ont abouti à un prix d’adjudication global dépassant 100% des estimations. Dans l'impossibilité d’ouvrir son exposition, Koller avait reporté ses ventes aux enchères classiques de mars et décidé de maintenir ses ventes en ligne, offrant une présentation uniquement virtuelle des lots. Les résultats atteints pour ces objets de valeur modeste furent excellents, malgré le fait que les lots ne puissent pas être examinés en personne. Même les domaines qui suscitaient moins d’intérêt ces dernières années semblent avoir bénéficié d’un nouveau souffle : les meubles anciens ont dépassé les attentes, ainsi que les livres anciens, la porcelaine et l’argenterie. Les tableaux de maîtres anciens ont particulièrement eu du succès, notamment grâce à deux œuvres : un portrait de famille de l'École émilienne et une tête d'apôtre par un suiveur de Van Dyck, vendus respectivement CHF 45 000 et CHF 34 000.

Mais la crise actuelle a peut-être aussi contribué au succès des ventes : "Je dois encore vous féliciter pour la parfaite organisation de la vente aux enchères", nous a écrit un acheteur après la vente. "Cela nous a permis, à ma femme et à moi, de vivre des heures passionnantes malgré le fait que nous étions en ‘assignation à residence’".

Depuis 2018, Koller organise régulièrement des enchères en ligne "ibid", proposant des œuvres plus accessibles en parallèle de ses ventes aux enchères traditionnelles. Ces événements sur internet connaissent un véritable succès, non seulement parmi les enchérisseurs habituels de Koller mais également parmi une nouvelle génération de collectionneurs familiarisés avec les achats en ligne. Le processus transparent des ventes, l'accès rapide à des images haute résolution, les rapports d'état et les conseils directs de spécialistes en font un moyen populaire d'accéder à toute une gamme d’objets d’art, des beaux-arts au design, du vin à la mode vintage.

 


 

KOLLERview is published four times a year,

the next issue will follow in June 2020

Click & Read

In this issue:

• Treasure from Limoges
• Golden Middle Ages
• White gold from Meissen
• 18th-century “Design”
• Astronomical precision
• From Corot to Lieberman


A PROPOS DE KOLLER VENTES AUX ENCHERES

Koller est la première maison de ventes suisse, dont les succursales se trouvent à Genève, Munich, Düsseldorf, Florence et Beijing. Chaque année, Koller propose environ 80 ventes aux enchères, comprenant toutes les catégories des beaux arts et arts décoratifs, joaillerie, montres, art asiatique, mode & vintage, livres et vin. Koller atteint des records de prix grâce à un large panel d’enchérisseurs internationaux. Avec son équipe de spécialistes expérimentés, la maison de vente familiale Koller allie l’atout d’une maison active au niveau international avec une fiabilité et une efficacité suisses reconnues.